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Spationaute idole de toute une génération de vieux passionnés d'aéronautique (comme moi), Patrick Baudry est ré-apparu dans le PAF à l'occasion des émissions sur Rosetta et Philae quand les médias s'échinaient à trouver des invités de notoriété...

Passé la grande joie sincère de le revoir, je suis attristé de constater que Patrick Baudry s'enfonce à chaque interview dans une opinion très négative et aigrie de la politique d'exploration de l'espace, toutes agences confondues !

En effet, l'interview récente (ci-dessous) du 29 mars 2015 sur LCI pourrait être résumée par ;

1/ Construire ISS a servi à rien.
2/ Envoyer des gars sur ISS sert à rien.
3/ Les expériences sur ISS servent à rien.
4/ Faire des missions de longue durée en orbite terrestre au delà du record de 1 an sert à rien.
5/ Faire une nouvelle station après ISS sert à rien.
6/ Retourner sur ou autour de la Lune sert à rien.
7/ Une sonde qui rate une de ses expériences sert à rien (et c'est même un échec complet de toute la mission).
8/ Toute mission spatiale non destinée à envoyer un homme sur Mars sert à rien.

http://www.patrick-baudry.com/patrick-b ... e-de-mars/

Et si vous recherchez toutes ses interviews et participations à des conférences depuis 2014, vous vous rendrez compte que j'exagère pas sur sa tendance générale du "ça sert à rien". Çà m'a particulièrement choqué quand j'ai vu le visage dépité des responsables du CNES et ESA lors d'une conférence de la Cité de l'Espace dédiée à Rosetta & Philae qui voyaient 15 ans de leur travail réduit à un "ça sert à rien".

De mon avis, Patrick Baudry est un peu (voir beaucoup) rancunier de l'abandon des programmes Hermes et Colombus (en version autonome) dont la préparation a occupé 6 ans de sa vie, et qu'il aurait fort probablement été commandant de la première mission. Vous remarquerez que jamais il ne rappelle ces programmes... d'autant qu'ils peuvent être qualifiés conformément à son raisonnement de "ça servait à rien" ; une navette avec le quart des capacités du Shuttle et sans innovation technique ou conceptuelle, ou une station à peine plus grosse que l'ATV ou un Soyouz. LoL !

Je vous suggère de débattre et argumenter pour-ou-contre chacun des 8 points "ça sert à rien" ci-dessus pour éclairer de jeunes internautes intrigués par tout ce pessimisme, d'autant que je doute que des responsables ou politiques oseront contredire publiquement Patrick Baudry par crainte de nuire à la mémoire de sa carrière (qui n'a rien perdu de son superbe à mes yeux).

1) Je ne pense pas que ça n'ait servi à rien par contre (attention je ne sais pas du tout comment est organisée l'ISS) on aurait peut être pu se contenter d'un peu plus petit ? Parce que c'est quand même très coûteux de mettre les modules en orbite et la station me semble tout de même énorme.

2) Bon alors là si on construit une station sans mettre des gens dedans c'est pas une station qu'il vous faut c'est un satellite. Après comme tu le disais toi-même Olie les gens dans la station passent 70% de leur temps à rien faire (pas d'expérience donc c'est mal équilibré).

3) Bah là je suis pas d'accord, je suis pas au courant de ce qu'ils font mais c'est quand même le but...

4) Pas compris ce qu'il voulait dire, il parle des missions habitées ?

5) Là je suis d'accord, je ne comprends même pas pourquoi faire ça, l'ISS a pris du temps à être construite et quitte à faire une autre station mieux vaut "améliorer" l'ISS...

6) Hum, ça dépend, on a quand même plus de moyens à l'heure actuelle et on peut faire des expériences plus poussées donc je ne suis pas d'accord sur ce point.

7) Là c'est carrément une blague. Rater UNE expérience c'est rater la mission ? Non, même rater toutes les expériences ce n'est selon moi pas rater la mission puisqu'on obtient tout de même des infos, même minimes (des images, les problèmes qu'il faudra régler, etc...).

8) Bon là c'est de l'abus, il y a plein d'autres choses à faire que d'envoyer des hommes sur Mars...

Pratiquement rien ne sert dans l'immédiat, mais on sait empiriquement que les recherches menées dans le cadre du spatial peut avoir de belles retombées technologiques... Tout comme le monde militaire. On peut difficilement présumer de l'utilité ou l'impertinence de tels domaines.

Mais c'est légitime de se poser la question : on parle de plusieurs milliards de dollars quand beaucoup de choses restent à faire, ici bas. C'est simplement pas comparable tout en étant dans l'esprit de tout le monde, on ne peut pas s'empêcher de faire la passerelle "y'a pas assez d'money" - "on envoi des billets volants dans l'espace"

Perso, et je crois que c'est finalement un peu égoïste, je veux que l'aventure spatiale continue Et j'espère qu'au delà de chaque prouesse, l'humanité profitera de quelques avancées soudaines et insoupçonnées ! Y'a qu'en cherchant qu'on trouve, tout azimut ^^

x335 a écrit :1) Je ne pense pas que ça n'ait servi à rien par contre (attention je ne sais pas du tout comment est organisée l'ISS) on aurait peut être pu se contenter d'un peu plus petit ?

ISS était calibrée pour un équipage de 10 personnes avec des rotations partielles par le Shuttle (amenant 7 personnes dont 3 ou 4 restées) et une mini-navette de secours (projet abandonnée) pour les moments où le Shuttle s'absentait. Les russes pouvant arrimer 2 Soyouz et 1 Progress en même temps.

x335 a écrit : 2) Bon alors là si on construit une station sans mettre des gens dedans c'est pas une station qu'il vous faut c'est un satellite. Après comme tu le disais toi-même Olie les gens dans la station passent 70% de leur temps à rien faire (pas d'expérience donc c'est mal équilibré).
3) Bah là je suis pas d'accord, je suis pas au courant de ce qu'ils font mais c'est quand même le but...

Malgré cela, j'estime que le simple fait de faire vivre des hommes en orbite est une immense expérience scientifique en soi où il y a encore beaucoup à apprendre, peu dans la technologie, mais beaucoup pour le bien-être et la psychologie.

Rien que dans le domaine alimentaire il y a des gros progrès à faire et avec des répercussions possibles au sol, au bon souvenir que Apollo et Skylab inaugurait les plats surgelés, les sachets refermables avec un zip, les boissons en poudre, les barres protéinées (mais aussi que l'apparence des puddings en purée buvable gâche tout le plaisir du goût).
Notez l'initiative des russes qui proposent depuis les missions Saliout (notamment avec la France) que tous les pays le souhaitant fabriquent des recettes, même des petits pays n'ayant aucun programme spatial. Les repas de ISS sont des 4 étoiles comparés à Skylab, et les M&M's sont pas le produit le plus apprécié, c'est dire le chemin parcourus.

x335 a écrit : 4) Pas compris ce qu'il voulait dire, il parle des missions habitées ?

Oui, et il tacle directement la participation du CNES qui fait l'étude de la vie en mission de plus de 300 jours Scott Kelly et Mikhail Kornienko, de leur santé, alimentation, et moral.

Je doute que Patrick Baudry perçoit l'exploit de vivre plusieurs mois en orbite ; non seulement le Shuttle l'a embarqué que quelques jours sans avoir le temps d'avoir une angoisse ou un manque de la Terre, mais de surcroit la navette conçue pour au maximum 12 jours de vol est confortablement spacieuse et équipée d'un grand frigo garantissant moult produits frais et "normaux" à chaque repas.

Il faut aussi lire les confidences des équipages Apollo 8 et 13 qui ont ressenti un gros coup de blues de s'éloigner de la Terre dans une situation "critique". Autant dire que pour les 1 à 2 ans vers Mars, il va falloir des caractères exceptionnels qu'il faudra savoir identifier au sol sans les avoir jamais exposés à l'épreuve réelle.

x335 a écrit : 5) Là je suis d'accord, je ne comprends même pas pourquoi faire ça, l'ISS a pris du temps à être construite et quitte à faire une autre station mieux vaut "améliorer" l'ISS...

L’après ISS envisagé par la NASA serait plus petite, d'une conception homogène, peut-être en éjectant l'ESA ou la JAXA du projet (sic), et explicitement destinée à la vie en apesanteur. Mais ni Obama ou des candidats successeurs n'ont exprimé un intérêt la dessus...

Merci pour tes réponses plus que complètes

Dakitess a écrit :Pratiquement rien ne sert dans l'immédiat (...)

En fait tout sert immédiatement, bien avant le lancement, dés que 1 euro de fonds public est dépensé ; en effet, le secteur de l’astronautique est très peu délocalisé ou sous-traité à l'étranger (c'est insignifiant) et tellement lié à des activités militaires que ça ne le sera jamais. Bref, dés qu'un état donne 1 euro à l'ESA, c'est sûr que 99 cents retomberont dans des poches d'une entreprise, salariés, et citoyens européens. Les taux de participation étant proportionnels aux entreprises nationales impliquées, ça a beaucoup joué dans le concept adopté pour Ariane 6 mais aussi pourquoi Hermes fût abandonné au bénéfice d'un Colombus reversé à ISS et le maintient du concept Ariane 5 malgré la perte de sa raison d'être ; le coût de la réunification allemande nécessitait un sacrifice de sa participation.

Dakitess a écrit : Mais c'est légitime de se poser la question : on parle de plusieurs milliards de dollars quand beaucoup de choses restent à faire, ici bas. C'est simplement pas comparable tout en étant dans l'esprit de tout le monde, on ne peut pas s'empêcher de faire la passerelle "y'a pas assez d'money" - "on envoi des billets volants dans l'espace"

Son discours est pas que les budgets sont trop faibles, mais que les choix politiques de programmes sont du gaspillage et que tout devrait servir au seul dessein de l'exploration habitée lointaine.

Dakitess a écrit : Perso, et je crois que c'est finalement un peu égoïste, je veux que l'aventure spatiale continue :) Et j'espère qu'au delà de chaque prouesse, l'humanité profitera de quelques avancées soudaines et insoupçonnées ! Y'a qu'en cherchant qu'on trouve, tout azimut ^^

Moi je parierais sur la propension du capitalisme a soudainement investir en masse dans un secteur à risque élevé, suscitant une grosse spéculation, se cassant un temps la gueule dans une bulle, mais qui au final fait passer un truc exorbitant réservé aux plus riches comme un bien ou un service banal que s'arracheront les masses dans un matérialisme irraisonnable auquel rapidement plus personne ne voudra renoncer... quand j'avais 10 ans, avoir un ordinateur 8bit et 2ko de mémoire pour à peine 20 à 30000 frs (soit 5 à 10 smics) était un luxe.